Dès le départ, la profession a été sous la double pression de lEurope et des opérateurs financiers mais aussi sous la menace dun reclassement en activité de service. Résultat, ces cinq ans ont été jalonnés de chausse-trappes et placés sous le signe permanent du risque de disparition de la profession, en tout cas telle quexercée par des biologistes médicaux libéraux. La tentation industrielle était (et demeure ?) forte dans certaines arcanes du pouvoir, sensibles à la petite musique distillée par ceux qui voulaient ringardiser et rendre obsolète la biologie médicale libérale de proximité. Ce combat-là nest pas terminé mais au moins, les biologistes médicaux libéraux disposent-ils aujourdhui dun socle légal et réglementaire renouvelé qui leur permet encore de défendre, à défaut de la sanctuariser, leur vision de la profession.
En effet, à lexamen du texte qui vient dêtre voté, il est aisé de voir le verre à moitié vide. Si cette attitude sceptique permet de rester vigilant pour lavenir et de définir les axes damélioration du cadre dexercice, il serait dangereux de ne pas considérer également la partie pleine du verrepour avancer et consolider la biologie médicale libérale. Par-delà les postures et les regrets, un grand nombre de biologistes médicaux libéraux lont parfaitement compris et se sont attelés à la tâche dès avant la fin de ces interminables débats.
La restructuration et le regroupement des laboratoires sont une réalité visible dans toutes les régions. Si les opérateurs financiers ont constitué des réseaux de laboratoires à coups de rachat à des professionnels souvent inquiets ou pris au piège de dissensions entre associés, le reste de la profession sest mis en mouvement pour ne pas perdre le contrôle de son outil de travail. Si bien que sur tout le territoire, des biologistes médicaux libéraux, hier parfois farouches concurrents, se sont parlés, ont élaboré des projets de regroupement et de restructuration et sont arrivés à bâtir des laboratoires multisites contrôlés et dirigés par euxmêmes.
Agir dans lintérêt et avec le plus grand nombre
Certes, cela ne se fait pas toujours, loin sen faut, dans la facilité. Le changement est rude, générateur de stress, de nouvelles difficultés à surmonter et de nouvelles compétences à acquérir. Certains ont commis des erreurs dans leurs choix, des projets demandent à être corrigés tandis que dautres doivent être réorientés ou complétés par un véritable volet médical. Mais lessentiel de la biologie médicale de ville se restructure tout en demeurant aux mains des biologistes médicaux libéraux. Il serait donc faux de penser que ces derniers sont restés pétrifiés devant ce qui se passait et se sont posés en victimes sacrificielles sur lautel de la modernité et de la finance. Leur réactivité, leur combativité et souvent leur enthousiasme à construire concrètement un nouveau chapitre de leur jeune histoire démontrent leur vitalité et leur attachement à un exercice médical indépendant. Par leur attitude constructive, ils ont déjà démontré lintérêt, pour le système de santé français, de sappuyer sur des libéraux qui allient esprit dentreprise et sens du service public au patient.Cest dans cet esprit que le SDB a agi tout au long de ce marathon législatif. Avec un double objectif : défendre la biologie médicale libérale de proximité et de qualité comme étant lexercice davenir pour le système de santé et les patients mais aussi agir dans lintérêt et avec le plus grand nombre de biologistes médicaux et leurs représentants. Une volonté de consensus le plus large parfois perçue à tort comme une volonté dhégémonie. Sur chaque dossier, à chaque étape du processus chaotique délaboration de la loi, des lois devrait-on dire, le SDB a cherché à rassembler et à faire la synthèse des forces favorables à lexercice libéral. Non pas pour "fabriquer" dans son coin et en tête-à-tête avec les pouvoirs publics "sa" réforme. Mais pour essayer de convaincre ses interlocuteurs de la pertinence dune offre libérale et de contrer les arguments dadversaires aux moyens bien plus puissants que ceux des libéraux. Des adversaires aux réseaux aussi efficaces que discrets qui voulaient convertir la France à une biologie médicale concentrée sur quelques investisseurs, amputée de sa dimension de proximité et ignorante des apports des biologistes médicaux libéraux dans la prise en charge des patients.
Le résultat est fondamental bien que dimportantes lacunes demeurent dans la loi qui vient dêtre adoptée. Cette dernière est le résultat dun compromis démocratique qui sest joué par amendements interposés et consignes politiques dépassant parfois le simple enjeu de la biologie. Cependant, ne minimisons pas les succès que le SDB et les tenants de la biologie médicale libérale ont obtenus, améliorant ou préservant plusieurs points cruciaux de lordonnance de 2010. Le SDB est fier davoir su se mobiliser comme il la fait. Davoir été présent et actif (trop au goût de certains), même sil fut trop souvent seul. Davoir accepté de dépenser sans compter et sans calcul pour défendre pied à pied la biologie médicale libérale en présentant des dossiers crédibles et solides. Le Syndicat y a consacré beaucoup de forces mais le jeu en valait le coût.
Sans démagogie
Le SDB sest engagé sans démagogie, sans faire croire comme certains - grands donneurs de leçons et pourfendeurs de lunité de la profession mais piètres connaisseurs de la réalité - que la loi ne verrait jamais le jour et quil serait possible de revenir "au bon vieux temps" davant lOrdonnance.
Le cadre de lexercice fixé, lurgence est à présent la pérennisation des conditions économiques de la biologie médicale. La mobilisation de terrain de lensemble des biologistes médicaux que la profession a su mener pour faire pression sur lAssurance maladie et le Gouvernement a commencé à faire évoluer une situation (lire l'article "Et maintenant... vers une avancée sur le front économique ? ") jusquici figée dans le dogme de la baisse perpétuelle des tarifs des examens. Là encore, il ne faut pas sattendre à une victoire nette et sans bavure mais espérer un compromis sur un modus operandi qui permette à la biologie médicale libérale de préserver proximité, qualité et engagement auprès des patients.
FRANçOIS BLANCHECOTTE, président du SDB
"NOUS AVONS TOUT DE MêME RéUSSI à FAIRE éVOLUER UN CERTAIN NOMBRE DE POINTS ESSENTIELS"
François Blanchecotte, à la tête du SDB depuis décembre 2010, a vécu au quotidien les trois dernières années de péripéties relatives à la réforme. Il revient sur les objectifs et les options prises par le Syndicat.Avec les votes des 14 et 16 mai sachèvent des mois de procédure et de rebondissements parlementaires. êtes-vous satisfait des modifications de lOrdonnance finalement obtenues ?
François Blanchecotte : Quand vous avez mis autant dénergie et consacré tant de temps à défendre des idées et des amendements comme je lai fait avec les membres du bureau du Syndicat, il est toujours insatisfaisant de voir que vous navez pas été entendu sur certains points. Je pense en particulier à laccréditation.
Néanmoins, nous devons aussi porter un regard objectif et constater que nous avons tout de même réussi à faire évoluer un certain nombre de points essentiels, en particulier en ce qui concerne les questions dindépendance professionnelle avec les règles de majorité du capital (consulter le tableau comparatif). En outre, et nous avons dû y faire face, nous avons aussi failli perdre des acquis importants de lOrdonnance comme la reconnaissance de notre compétence médicale. Ce qui ne sest finalement pas produit.
Le résultat final aurait-il pu être meilleur ?
F.B. : Mais il a été meilleur ! Les mesures que nous avions faites adopter dans le cadre de la loi Fourcade en 2011 étaient assez satisfaisantes et plus proches de lensemble de nos demandes. Mais le Conseil constitutionnel les a annulées en même temps que la moitié des articles de cette loi pour des raisons de non-respect de la procédure parlementaire par le Gouvernement dalors.
Les biologistes médicaux libéraux disposent-ils toutefois dun cadre dexercice qui leur permet de construire lavenir de la profession ?
F.B. : Oui, pour lessentiel. Cependant, tout ne réside pas dans la loi. Il est très important que malgré les chantiers importants que nous devons tous mener actuellement concernant les regroupements et laccréditation, nous ne négligions pas notre rôle de professionnels de santé auprès des prescripteurs et des patients. La défense et la préservation dune biologie médicale de proximité et de qualité exercée par des libéraux tiennent à notre implication et à notre présence médicale. Il faut que cette dimension médicale soit intégrée aux projets de regroupement et structure lorganisation de nos laboratoires multisites. Nous devons également le faire savoir et communiquer auprès de nos confrères prescripteurs et de nos patients, lesquels sont parfois euxmêmes déboussolés par notre réorganisation et par ce quils entendent à propos de notre évolution. Cest sur le terrain et au quotidien que nous conforterons notre légitimité.