La très longue séquence qui vient de sachever avec ladoption, le 30 mai dernier, de la loi relative à la biologie ne se sera pas suivie dune période moins houleuse au cours de laquelle les biologistes médicaux auraient pu se concentrer sur lachèvement des restructurations et leur volonté de mener à bien leur processus daccréditation. De son côté, le SDB ne pourra pas mobiliser ses forces avec la même acuité sur les dossiers quil avait identifiés. Dune part, il y a le suivi de la vingtaine de textes réglementaires dapplication de la loi sur la biologie médicale qui sont encore attendus et dont personne na vraiment de nouvelles. Dautre part, le Syndicat a recensé les nombreux dossiers qui requièrent de la vigilance et de défendre les intérêts des biologistes libéraux.
Un programme de travail déjà bien chargé
Le bras de fer engagé avec lAssurance maladie dès le début de lannée sur la facturation, aux patients, par les laboratoires de premier recours des examens confiés aux laboratoires de second recours fait partie de cette liste. Le SDB vient dailleurs de réexpliquer publiquement à la Cnamts les raisons juridiques de son refus (lire sa position officielle). Le Bureau du SDB travaille aussi sur la question des retraites mais également sur celles des négociations salariales, de laccréditation, des relations avec le Cofrac (lire ciaprès), de lEurope, du positionnement des biologistes concernant les démarches florissantes de dépistages confiés de façon un peu anarchique à des acteurs toujours plus nombreux
Sans compter, bien sûr, la négociation avec lAssurance maladie sur un accord trisannuel de maîtrise des dépenses dAssurance maladie, laquelle structure également le calendrier de travail. Le sujet était dailleurs plutôt bien engagé et laissait espérer un compromis qui permette à tout le monde de sy retrouver : lAssurance maladie en assurant ses tutelles que les dépenses de biologie médicale étaient sous contrôle ; les biologistes en ayant un minimum de visibilité économique et la garantie minimum de la nondégradation de leur chiffre daffaires afin de pouvoir faire face aux enjeux, en particulier celui de laccréditation.
La vision purement comptable renforcée
Mais la remise du rapport de la Cour des comptes au Sénat change la donne dans la mesure où il durcit de nouveau les perspectives et renforce la position de ceux qui, au ministère de léconomie ou ailleurs, ne veulent pas relâcher la pression financière sur notre profession. Ce sont en général les mêmes qui rêvent dune biologie sans laboratoire ou, du moins, avec un nombre très réduit dentre eux. Les préconisations de la Cour des comptes ne sont pas toutes absurdes, loin de là. Mais les suggestions de remise à plat de la convention des biologistes avec lAssurance maladie dans un but de mise au pas de la profession, en particulier au sujet de la Nomenclature, ainsi que la recommandation de baisser de 2 centimes le B pour garantir une économie minimum de 220 millions deuros donnent le ton.
Certes, il ne sagit là que dun rapport. Mais lexpérience de ces dernières décennies montre combien certains rapports influent sur la réflexion et les décisions des gouvernements. Ceux de la Cour des comptes sont de ceux-là. Ils constituent pour les pouvoirs publics un livre de chevet et fournissent du prêt-à-penser dautant plus utile que le sujet est complexe à appréhender et mouvant, ce qui est le cas de la biologie médicale.
Résister et expliquer
Ces préconisations (Consulter l'article "Les recommandantions de la Cour des comptes") sont clairement une très mauvaise nouvelle pour les biologistes médicaux. "Alors que nous commencions à faire comprendre à nos interlocuteurs quil fallait aussi prendre en compte les dimensions sanitaires et économiques de notre activité, la Cour des comptes vient redonner un coup de barre brutal vers les seules préoccupations comptables", regrette François Blanchecotte.
Il va de nouveau falloir que la profession résiste à cette approche et quelle redéploie des trésors de pédagogie pour expliquer la nécessité, en termes de santé publique et de vitalité économique, de ne pas casser la biologie médicale française. Bref, cest reparti ! Et pas pour le meilleur.
FRANçOIS BLANCHECOTTE, président du SDB
"ARRêTER LE JEU DE MASSACRE DE LA BIOLOGIE MéDICALE !"
"La vision comptable ignore systématiquement lapport médical des biologistes."Comment réagissez-vous à la teneur de ce nouveau rapport ?
François Blanchecotte : Je me dis deux choses. Dabord que lon est reparti dans une vision purement comptable. Ensuite, quil serait temps darrêter le jeu de massacre de la biologie médicale. Grâce à la mobilisation de la profession ces derniers mois et à linlassable travail dexplication et de persuasion que nous menons auprès de lAssurance maladie et des tutelles, nous étions parvenus à engager tout le monde sur la voie dun accord acceptable. Nous nous acheminions, et jai dailleurs encore espoir que cela aboutisse, vers un compromis qui, sans être mirifique, pourrait au moins nous permettre de revenir à un minimum de sérénité. Ce rapport est dangereux surtout dans la mesure où il replace tous nos interlocuteurs sur un mode purement comptable.
Sil était suivi, quelles conséquences cela aurait-il ?
F.B. : Une baisse du B de 2 centimes entraînerait mécaniquement une économie de 220 millions deuros pour les finances de lAssurance maladie. En ces temps de vaches très maigres et dans un contexte de préparation dun PLFSS pour 2014 drastique, cela est toujours très tentant pour des gestionnaires aux abois. Mais, comme nous le répétons, si cette somme est faible au regard des masses en jeu pour lensemble de lAssurance maladie, elle est vitale pour lexistence de nos structures, lesquelles sont déjà très fragilisées par les baisses tarifaires subies depuis sept ans. Je ne peux qualerter de nouveau les pouvoirs publics sur les risques bien réels de licenciement et de fermeture de laboratoires. On connaît les difficultés que certaines grosses entités doivent dores et déjà affronter. Et ce ne sont pas des cas isolés.
Y a-t-il dautres moyens daborder la question de la maîtrise des dépenses de biologie médicale ?
F.B. : Oui, en sattaquant au volume et non au prix de lacte. Mais cela demande un véritable effort et une volonté constante. Pourtant, cest la seule solution car cela permet de maîtriser les dépenses sans casser les laboratoires et donc de garantir une offre de biologie médicale sur tout le territoire. Un gros travail sur la juste prescription mais aussi sur la chasse aux doublons dexamens entre lhôpital et la ville reste à faire. De plus, cette politique serait compréhensible et acceptable par tous mais aussi juste pour tous. Tout le monde comprend bien quil faut lutter contre les gâchis. En outre, cette perspective ne remet pas en cause la valeur intrinsèque du travail des biologistes médicaux et de leurs laboratoires. Ce que fait en revanche la vison comptable qui inscrit lidée que lexamen de biologie médicale ne vaut rien puisque ce sont des automates qui le réalisent, quitte à ignorer systématiquement lapport médical des biologistes, en particulier lors des phases pré et post-analytiques.
Ce rôle médical, la loi et lordonnance lont consacré. Comment les biologistes peuvent-ils aujourdhui le faire vivre ?
F.B. : Tout est en effet lié. Cest pourquoi ce rapport me contrarie profondément car il va nous conduire à focaliser notre discours sur des arguments défensifs, financiers et économiques alors que nous avons tout un champ professionnel à consolider, celui de nôtre rôle médical. Lun des dossiers prioritaires de la rentrée aurait dû être celui de la place des biologistes dans le dépistage et plus largement dans le diagnostic. Le fait que les pharmaciens dofficine viennent dêtre autorisés à réaliser trois tests (test dévaluation capillaire de la glycémie, test oropharyngé dorientation diagnostique des angines à streptocoque A et test nasopharyngé dorientation diagnostique de la grippe, N.D.L.R.) nous interpellent fortement.
Dune part, je ne vois pas la coopération entre professionnels comme la substitution dun professionnel par un autre mais comme une collaboration renforcée entre eux. Nous pensons que nous devons accompagner le patient et lorienter en coordination avec les autres professionnels et non pas que les uns fassent à la place des autres. Cest pourtant ce qui se passe avec les pharmaciens dofficine. Il y a là un véritable problème de conception globale des relations futures entre professionnels de santé.
Dautre part, il est temps que les biologistes assument et revendiquent leur qualité dexperts du diagnostic et prennent toute leur place dans les politiques de dépistage. Nous demandons que les pouvoirs publics, au plan national et au niveau de chaque région, nhésitent pas à sappuyer sur nous pour leurs campagnes de dépistage. Cest le coeur de notre métier et ces démarches de santé publique sont notre raison dêtre de professionnels médicaux travaillant en proximité avec les 500 000 patients qui viennent chaque jour dans nos laboratoires. Nous disons clairement aux pouvoirs publics : plutôt que de vous battre pour nous faire disparaître, utilisez-nous pour décupler lefficacité de vos politiques de prévention et de dépistage ! Au final, cette option savèrera bien plus efficace pour les finances de lAssurance maladie.