Constat de désamour
La succession de coups portés à la biologie médicale libérale française nest due ni au hasard ni à un complot. Elle est très certainement le résultat dune vision négative de la profession par les tutelles, car déformée et partiale, contrairement à la population qui, elle, a une très bonne image des biologistes. Et ce, dautant quils ne sont pas concernés par la polémique sur les dépassements puisquils nen font aucun. Si le Gouvernement a soutenu le SDB dans sa défense, devant les instances européennes, dune biologie médicale appartenant pleinement à la sphère de la santé, une série de décisions récentes montre que les tutelles nen conservent pas moins une image négative de la biologie médicale libérale quelles entendent mettre au pas et utiliser comme variable dajustement financier. Or, laddition de cette hostilité émanant à la fois de certains services du ministère de la Santé (rétablissement des ristournes, dissolution de la formation continue des biologistes, par exemple) et de lAssurance maladie (baisse continue des tarifs depuis six ans) est en passe de profondément fragiliser loffre de biologie médicale de notre pays, au risque de provoquer, demain, une crise de santé publique.
Pourquoi cette hostilité ?
"Ils naiment pas les biologistes", constatent les membres du SDB qui ont eu à négocier avec lAdministration ou lAssurance maladie. Pourquoi ?
UNE IMAGE DéFORMéE
Les biologistes libéraux souffrent dune image propre aux hauts revenus. Une perception qui nest plus en phase avec la réalité et qui occulte totalement les investissements et les risques considérables pris par les biologistes libéraux. Plus grave, cette image nie totalement la dimension entrepreneuriale du biologiste et son rôle économique dans les territoires (40 400 personnes en équivalent temps plein en 2009 tandis que près de 50 % des laboratoires emploient plus de 20 salariés).
UNE PROFESSION COMPLEXE
La profession de biologiste médical libéral est complexe à appréhender :
Elle recrute à la fois parmi les pharmaciens et les médecins, ce qui la rend invisible dans la plupart des statistiques.
Elle est à la fois une profession de santé mais aussi une profession de chefs dentreprise qui doivent gérer du personnel, des plateaux techniques etc.
Cest une profession médicale dont lévolution est très liée à celle de la science et des technologies.
La tentation est alors forte de prétexter cette automatisation pour chercher à réduire le coût de la biologie et en occulter la dimension médicale.
UNE PROFESSION à FAIBLES EFFECTIFS
Les biologistes libéraux sont peu nombreux et donc réputés moins influents ou moins "nuisibles" politiquement. Il est donc plus commode de les utiliser comme variable dajustement face à des professions traditionnellement influentes (médecins, infirmiers, pharmaciens dofficines ), elles qui ont dailleurs obtenu un certain nombre de concessions lors de la toute récente série de négociations conventionnelles.
UNE PROFESSION FAUSSEMENT RéPUTéE PLUS CHèRE QUE DANS LES AUTRES PAYS EUROPéENS
Les biologistes médicaux français doivent affronter un ennemi des plus insaisissables : lidée profondément ancrée chez les tutelles qui veut que la biologie française serait structurellement plus chère que la biologie allemande. Depuis des années, les rapports officiels se citent entre eux sans jamais apporter la preuve de cette assertion et surtout sans souligner lerreur initiale qui est de comparer lincomparable, les statistiques allemandes ne faisant pas apparaître le coût du pré et du postanalytique. Le SDB a beau répéter et démontrer que cette idée est fausse, rien ne semble devoir faire reculer ce cliché.
Résister et convaincre
SéDUIRE SANS SE SOUMETTRE
Pour modifier cette vision de la profession tout en la défendant, le chemin est étroit. Trop longtemps, trop souvent, lattitude constructive des biologistes libéraux a été prise pour de la
soumission. Le SDB a donc décidé demprunter une autre voie qui consiste à résister plus vigoureusement contre les attaques tout en multipliant les démarches dexplication.
Objectif : stopper la marginalisation des biologistes médicaux et convaincre de leur véritable plus-value pour le système de santé et la santé publique.
NéGOCIATION ET MOBILISATION
Ordonnance, formation médicale continue et DPC, baisse des tarifs, facturation des examens transmis Sur tous les dossiers, le SDB a choisi de combattre toutes les mesures qui nuisent à lexercice libéral. Sil fonde toujours ses positions sur une réflexion approfondie et sur des études juridiques ou économiques, le SDB a choisi de recourir aussi à des actions de mobilisation de lensemble des biologistes, voire des patients, pour parvenir à se faire entendre.
DES ACTIONS RéUSSIES
Sensibilisation à la biologie de proximité. Laction de sensibilisation des patients aux risques qui pèsent sur la biologie de proximité, organisée à lautomne 2011, a permis au SDB de donner de la visibilité à la capacité des laboratoires de toucher les 350 000 patients qui les fréquentent quotidiennement.
Boycott des télétransmissions. Cette action, organisée la dernière semaine de janvier, a permis au SDB denvoyer à lAssurance maladie un premier signal sur la capacité des biologistes à se mobiliser et à peser sur le bon fonctionnement de lAssurance maladie sans nuire aux patients.
Refus de facturation des examens transmis. Cette consigne, donnée par le SDB dès janvier après étude du risque juridique, a largement été suivie par les laboratoires. Elle a permis dobliger lAssurance maladie et les laboratoires spécialisés à sasseoir à la table des négociations (lire également ci-dessous).
ZOOM
Laction sur la facturation des examens transmis
"Il ne sagit pas de refuser le rôle de laboratoire de premier recours et dinterlocuteur privilégié des patients et des prescripteurs, précise François Blanchecotte. Ce rôle, nous souhaitons lassumer car il entre dans la démarche de médicalisation qui est la nôtre. En revanche, nous ne pouvons pas être responsables de tout sans quil y ait une discussion de fond et que lon règle lensemble des conséquences de ce nouveau rôle. La manière dont les laboratoires spécialisés se sont comportés en ce début dannée, sous pression de lAssurance maladie, était inacceptable".
Le refus du SDB, suivi en cela par de très nombreux laboratoires en France, deffectuer la facturation des examens transmis a contribué à faire avancer la situation.
"Cela nous a permis de faire prendre conscience aux laboratoires sous-traitants et à lAssurance maladie que cette question était bien plus complexe quils le croyaient ou feignaient de le croire. Il nest pas possible de nous transférer la gestion administrative de dossiers patients sans contrepartie. Là encore, nous ne sommes pas la variable des économies de fonctionnement de lAssurance maladie et des laboratoires spécialisés. Le fait de gérer lensemble dun dossier avec plusieurs intervenants multiplie les risques de complications. En cas de problème, cela fait exploser le temps passé sur chaque dossier. Il nest pas non plus possible de bouleverser le circuit existant sans examiner lensemble des conséquences juridiques et financières. Ce sont tous ces points que nous examinons avec nos interlocuteurs. Et qui doivent être réglés rapidement par le biais dun avenant conventionnel. Si nous aboutissons, ce que nous croyons, notre résistance aura débouché sur une vraie plus-value pour tous."