Intervention de Marisol Touraine
Ministre des Affaires sociales et de la Santé
58e édition des Journées internationales de la biologie
Vendredi 15 novembre 2013
(Retranscription du discours prononcé)
Monsieur le Président, cher François Blanchecotte,
Madame et Monsieur les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs les Présidents de syndicats et de fédérations,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse et je vous remercie, Monsieur François Blanchecotte, de mavoir permis de participer à cette cérémonie et à cette séance de clôture qui vient au terme de plusieurs journées de débats, actifs, intéressants, fructueux qui se situent effectivement à un moment important. Important pour notre système de santé, important pour la biologie médicale. Au fond, je sais que vous êtes vous-même, et vous lavez parfaitement évoqué, à un moment charnière de la même façon que nous sommes face au défi que nous avons à relever pour permettre à notre système de santé de toujours mieux répondre aux attentes à la fois des professionnels et, bien sûr, des patients. Je sais que vous avez à cur de pouvoir relever de la même manière les défis qui se présentent à vous.
Lexigence croissante de qualité et la nécessaire traçabilité des résultats ont transformé vos métiers. Le renforcement de la formation initiale et continue ainsi que le respect des bonnes pratiques témoignent des efforts que vous avez entrepris pour conforter une biologie de qualité mais aussi pour conforter la place de la biologie médicale dans notre paysage sanitaire. Vous avez évoqué ce point dune façon forte, ferme, convaincante je dois dire et cest ce qui mamène à vous dire très clairement que vous êtes, les biologistes, des interlocuteurs pour moi incontournables à une période délaboration de la Stratégie nationale de santé. Car cet objectif, qui consiste à conforter et à renforcer un système de qualité, nous le partageons pleinement. Et cest cette volonté partagée qui a trouvé son aboutissement dans la loi du 30 mai 2013. Dailleurs, nous travaillons en ce moment même, de façon ouverte, approfondie et intense à lélaboration des nombreux textes dapplication de cette loi qui sont aujourdhui nécessaires. Et ces textes dapplication seront, comme la été la loi, le résultat dune concertation aussi large que nécessaire.
Je sais ce que sont vos préoccupations aujourdhui, jai entendu les inquiétudes que vous pouvez exprimer et il me paraît nécessaire aujourdhui de revenir sur les principes qui guident les choix politiques que je suis amenée à présenter. Les principes de laction au nom de la biologie médicale sont au nombre de quatre : assurer la qualité des examens de biologie médicale, préserver la spécificité de vos professions, maintenir une offre de proximité et veiller évidemment à lefficience du secteur de la biologie médicale.
I/ Notre premier devoir commun, cest de garantir à tous nos concitoyens la qualité des examens, quel que soit le lieu où ils sont pratiqués.
Ce principe est évidemment fondamental, compte tenu du rôle central que joue la biologie médicale dans le parcours de soins des patients, en ville comme à lhôpital.
Et laccréditation des examens de biologie, qui a été posée comme principe fondamental dans la loi du 30 mai 2013, représente une avancée majeure qui apporte et apportera des garanties majeures au patient en ce qui concerne la fiabilité des résultats de lensemble de nos laboratoires.
Le principe dune accréditation à 100 % a évidemment donné lieu à des échanges, des discussions et des interrogations, je le sais bien. Mais ce principe est quand même un élément majeur. Et pourquoi est-ce que nous ne pouvions pas transiger sur cet objectif des 100 % même si nous pouvons et nous nous sommes donné du temps pour parvenir à cet objectif ? Parce quà partir du moment où lon dit que laccréditation est lun des piliers dune biologie de qualité, il est assez difficile dexpliquer quon aurait une accréditation à X%, ce qui voudrait dire quil y a des secteurs, des actes ou des territoires pour lesquels on considère quévidemment laccréditation simpose et dautres pour lesquels on pourrait transiger avec des règles de qualité absolue. Cela serait incompréhensible pour nos concitoyens et je dois dire pour des partenaires qui sont les vôtres dans le système de santé. Car à travers cette accréditation, vous avez aussi apporté des garanties, des protections au statut même de professionnel de santé qui est le vôtre.
Je veux aujourdhui saluer le travail que vous avez réalisé en lien avec les Agences régionales de santé et le Cofrac pour vous permettre dentrer, si ce nétait déjà fait, dans la démarche daccréditation. Votre mobilisation a été forte, je veux la saluer, vous en remercier et la première étape qui devait être franchie la été avec succès puisquon compte de manière tout à fait épisodique les points de difficulté quil nous reste à régler.
Pour lavenir, nous devrons réfléchir à la prise en compte de la procédure daccréditation de vos laboratoires dans la procédure de satisfaction de lobligation de développement professionnel continu. Cette procédure devrait également être incluse dans la démarche de certification des établissements de santé et lensemble de ces procédures doit servir lamélioration de la qualité et de la sécurité des organisations et des pratiques des soins.
II/ Le deuxième principe que jai souhaité mettre en avant est celui du respect de la spécificité de notre biologie.
Là encore, les choses sont simples : pour maintenir une biologie dexcellence, il était nécessaire de réaffirmer le caractère médical de votre profession.
Aujourdhui, vous nexécutez plus des analyses pour le compte des médecins mais vous réalisez un acte médical pour un « pair » avec qui vous dialoguez dans lintérêt du patient et ce dialogue peut être, notamment pour les patients les plus compliqués, extrêmement régulier et intense. Vous vous assurez ainsi que lexamen prescrit répond bien à une question clinique et que le compte-rendu de lexamen comporte désormais une interprétation biologique et pas simplement les seuls résultats chiffrés pas toujours simples à déchiffrer pour celui qui reçoit sa feuille danalyse. Sil nest pas lui-même un professionnel, ce qui est le cas de la majorité des patients, il peut y avoir un peu de perplexité et de la perplexité engendrant parfois de linquiétude. Il vaut mieux accompagner cela de commentaires qui soient appréciables par le destinataire du courrier.
Votre rôle est donc décisif. Cest la raison pour laquelle nous avons besoin de biologistes médicaux sur chaque site. Parce que les automates qui sont évidemment performants et le sont de plus en plus ne remplaceront jamais les professionnels que vous êtes.
Dans le même temps, jai souhaité rendre possible lintervention des infirmiers libéraux et dautres professionnels de santé pour garantir la fluidité du parcours de soins du patient. Mais cela se fera toujours sous le contrôle dun biologiste médical et sous la responsabilité du laboratoire responsable de lanalyse. Cette intervention se limitera au prélèvement afin que vous puissiez conserver la plus grande partie de la phase pré-analytique.
Bien entendu, la médicalisation de lanalyse biologique ne pouvait se faire quen accord avec le principe de tarification des actes médicaux et dans ce cadre, jai souhaité maintenir le principe dinterdiction des ristournes.
III/ Le troisième enjeu de taille auquel nous sommes confrontés est celui du maintien dune offre en biologie médicale dans tous nos territoires.
Cest là une préoccupation et un enjeu qui dailleurs ne concernent pas seulement la biologie médicale et cest cela que je voudrais vous dire avant tout. Jai eu loccasion de lexprimer à plusieurs reprises lors du débat à lAssemblée nationale et au Sénat. Pour moi, lune des préoccupations, cest de garantir à tous les Français que quel que soit lendroit où ils habitent, ils pourront accéder de façon facile, dans un périmètre accessible, dans des délais raisonnables, à une offre de soins de qualité. ça vaut évidemment pour le médecin traitant, ça vaut pour certains médecins spécialistes et ça doit valoir pour la biologie médicale. Cest-à-dire que cette idée qui sest installée de déserts médicaux renvoie aussi à la question de la présence de la biologie médicale sur nos territoires car si lon va voir un professionnel de santé et que lon a besoin dans le même temps dexamens réguliers, on saperçoit que cest lensemble de la chaîne du soin qui peut être perturbée.
Face au mouvement de concentration des laboratoires, nous avons à réagir fortement car ce qui existe dans votre secteur, qui ne concerne par loffre de soins en ambulatoire, cest le risque dune concentration due à limplication et à lintérêt accru des fonds dinvestissement pour lactivité qui est la vôtre. Donc il y a là un enjeu décisif de santé publique, un enjeu daccès aux soins qui doit nous amener à faire preuve de la plus grande vigilance vis-à-vis de la concentration financière qui, si elle devenait excessive, remettrait en cause par ailleurs lindépendance de votre activité et aboutirait à la constitution de monopoles dactivité préjudiciables aux patients.
à lheure où les besoins de santé ne cessent daugmenter, je crois donc nécessaire de prendre un certain nombre de mesures pour préserver le maillage territorial de nos laboratoires. Et cest ainsi que la loi du 30 mai 2013 a réaffirmé le principe de détention majoritaire du capital des SEL de biologistes médicaux par des professionnels qui y exercent. Et la transparence qui sera faite sur les conventions qui pourraient être passées limitera par ailleurs les risques dabus de la financiarisation de ce secteur.
Dans le même temps, le rôle des Agences régionales de santé est renforcé dans la régulation de loffre de soins puisque désormais, elles contrôleront plus facilement les opérations dacquisition et de fusion de laboratoires. Lobligation de déclaration de lactivité permettra aux ARS de mieux appréhender ces opérations et dappliquer plus efficacement les règles qui doivent être respectées.
Cest dans cet esprit que loutil informatique BioMed a été développé cette année. Les données des laboratoires seront rendues plus facilement accessibles à tous les partenaires institutionnels concernés. La première version de cet outil est déjà disponible pour lensemble des ARS. La seconde version de lapplication ouvrira ces données aux professionnels en leur permettant de déclarer eux-mêmes leur activité par voie électronique. Ce sera une simplification concrète notamment pour les démarches administratives.
IV/ Enfin, nous devons veiller à lefficience du secteur de la biologie médicale.
Il est difficile dignorer que nous sommes dans un contexte économique et financier difficile et délicat qui nous amène avec fermeté à engager des économies dans le secteur de la santé. Dans le même temps, nous devons, et jen ai la volonté, préserver la qualité de notre système pris globalement. Mais aujourdhui, nous devons bien avoir conscience que ( ) ce sont les Français qui payent la Sécurité sociale, ce que lon a parfois tendance à loublier. ( ) A ce titre, ils deviennent de plus en plus attentifs à la qualité et à la manière dont fonctionne notre système. Donc nous devons faire en sorte que chaque euro dépensé corresponde effectivement à un euro bien dépensé. Je nai pas du tout un discours qui consiste à dire que nous devons aller vers une diminution des dépenses. Aujourdhui, lenjeu nest pas cela mais de maîtriser la croissance des dépenses qui est inévitable compte tenu du vieillissement de la population en particulier ou de lapparition de plus en plus fréquente de maladies chroniques. Mais nous devons faire en sorte que les actes soient systématiquement utiles et que les examens soient utiles afin que nous ne soyons pas amenés un jour à encadrer, à réguler, peut-être même à rationner des actes qui seraient fondamentaux. à ne pas faire la différence entre ce qui est absolument nécessaire et ce qui vient en plus, on prend le risque de faire peser une contrainte sur ce qui est absolument nécessaire. Pour autant, jai bien entendu, et vous lavez exprimé à linstant, le souhait de la profession de sengager dans un schéma davantage négocié et mieux sécurisé.
Un récent protocole conclu avec lAssurance maladie vous donne une visibilité à moyen terme sur les évolutions de votre environnement professionnel : cette visibilité, cest une garantie qui vous est apportée de pouvoir investir et de maintenir des prestations de qualité. Le modèle économique de votre secteur doit en effet évoluer afin de lui permettre de se moderniser. De ce point de vue, il sagit de préparer lavenir, il sagit danticiper et, moi, je le comprends parfaitement. Et cest la raison pour laquelle jai souhaité que Frédéric Van Roekeghem et lAssurance maladie puisse trouver un accord avec vous qui sinscrive dans une perspective pluriannuelle, ce qui vient rompre avec la logique des années précédentes qui consistait, année après année, à jouer simplement sur les tarifs. Il sagira de faire vivre cet accord. Je sais que Frédéric Van Roekeghem en a la ferme volonté, en tout cas, cest aussi la mienne et je crois que nous pouvons considérer, de ce point de vue, quun pas important a été franchi pour une approche plus moderne, disons pour simplifier, mieux adaptée aux enjeux économiques de votre profession.
Mesdames et messieurs, cher François Blanchecotte,
Je veux vous dire quau terme de cette année où de nombreuses avancées réalisées pour votre secteur, la biologie médicale aborde en situation de force, en tout cas de rénovation, dinnovation, de modernisation les défis auxquels elle est confrontée comme lensemble de notre système de santé. Je men réjouis. Vous pouvez compter sur ma détermination pour quensemble, nous puissions faire face aux éventuelles difficultés que vous seriez amenés à rencontrer, pour quensemble nous soyons capables de faire face aussi aux aspects positifs et dynamiques qui traversent la biologie médicale et quensemble, nous puissions répondre aux attentes de nos concitoyens.
Merci à vous.