Cher Monsieur,

Dans le numéro du 24 octobre dernier du Point, vous vous êtes attaché à permettre à vos lecteurs de "plonger dans le dédale des aides en tout genre". Parmi celles-ci, vous avez tenu à mettre en avant les examens de biologie.

En qualité de Président du Syndicat des Biologistes, j’ai bien noté que vous indiquiez que "les examens de biologie médicale sont trop facilement prescrits à des patients ravis qui ont besoin d’être rassurés" et que vous vous attaquez donc aux médecins qui prescrivent ces examens et aux patients qui seraient en attente de réassurance et non de diagnostic ou de suivi.

Ceci étant posé, vous écrivez également que les dépenses liées à la biologie médicale auraient considérablement augmenté ces dernières années sans oublier que "le prix de ces examens en France est spécialement élevé. Deux à dix fois plus qu’en Belgique ou en Allemagne".

Sachez que je ne peux vous laisser continuer à penser et écrire ce type de contrevérité. Non, les examens de biologie ne sont pas plus élevés en France qu’en Allemagne ! Et non, les tarifs de la biologie médicale ne se sont pas envolés !

Le Syndicat des Jeunes Biologistes médicaux a réalisé une étude spécifique sur la rumeur persistante selon laquelle la biologie allemande serait moins coûteuse que la biologie française. Il en ressort clairement qu’en ce qui concerne les examens les plus prescrits dans nos deux pays, les tarifs allemands sont supérieurs de 20 % et ce, alors même qu’ils ne prennent pas en compte les prélèvements, réalisés par les médecins en Allemagne, ni les commentaires. En outre, le transport des prélèvements biologiques est facturé en supplément.

Concernant la facturation de nos actes, celle-ci n’a pas été revalorisée depuis les années quatre-vingt-dix. En termes techniques, la lettre-clef, appelée "le B" et qui permet de facturer nos examens, vaut toujours 0,27 euro depuis vingt ans. Ainsi, une analyse de glycémie vaut-elle 5 B soit 0,27 euros x 5 = 1,35 euro, en somme, le prix d’une baguette. De plus, nos examens sont continuellement dévalués depuis vingt ans par une diminution du nombre de B attribué à chacun d’entre eux. Dans ces conditions, l’augmentation évoquée par la Cour des comptes correspond à des examens effectués et non à nos tarifs, comme on pourrait le penser en lisant trop vite.

Cette hausse des dépenses est donc liée à une hausse des volumes des actes de biologie prescrits par les médecins et non à une augmentation des tarifs. En outre, je me permets de vous rappeler qu’aujourd’hui, 70 % des diagnostics sont réalisés sur la base d’un acte de biologie médicale.

Je ne veux pas croire que vous souhaitiez que les médecins réalisent leurs prescriptions comme dans les années soixante, c’est-à-dire sans s’appuyer sur la pertinence et l’expertise de la biologie médicale, au risque de formuler de mauvais diagnostics et donc d’effectuer de mauvaises prescriptions ? Le cas échéant, crierez-vous au scandale sanitaire ?

D’autre part, les biologistes médicaux français doivent obligatoirement mettre en place, depuis la loi de 2013, une assurance qualité drastique répondant à une norme internationale, ce qui n’existe dans aucune autre profession de santé en France. Ils doivent également la financer avec le chiffre d’affaires de leur laboratoire.

Si les directives des "sages" de la Cour des comptes étaient suivies, ce serait plus de la moitié des laboratoires français qui devraient mettre la clé sous la porte avec les conséquences sociales que l’on imagine, tout cela pour une spécialité qui représente 2 % du budget de l’Assurance maladie et dont l’importance dans la prévention est considérable et fait économiser des vies et des millions d’euros à la collectivité.

Dernier point,  vous parlez de biologie médicale mais que recouvre ce mot générique ?

• - Des médecins et pharmaciens qui ont dû passer deux concours en dix ans d’études pour parvenir à exercer cette spécialité et devenir biologistes médicaux.
• - Des médecins et pharmaciens spécialistes qui travaillent sous la prescription de leurs confrères, qui participent à 70 % des diagnostics et qui, par leur réactivité et leur professionnalisme, évitent bien souvent le recours coûteux aux hospitalisations et aux services d’urgences, et qui ne pratiquent jamais le dépassement d’honoraires.
• - Des médecins et pharmaciens spécialistes qui font en moyenne travailler 9 personnes (techniciens et secrétaires) soit 60 000 emplois spécialisés dans toute la France.  
• - Des médecins et pharmaciens spécialistes au service des patients et de leurs médecins qui envoient gratuitement leurs coursiers collecter les prélèvements sanguins réalisés par les infirmières à domicile, à la campagne. Ils interprètent et commentent gratuitement les résultats des examens aux patients, permettant ainsi d’économiser des consultations médicales.

Cher Monsieur, je ne doute pas que le rapport de la Cour des comptes ait pu vous induire en erreur, toutefois, je vous remercie par avance et avant de reparler de notre métier, de nos actes et des patients, de bien vouloir contacter un biologiste médical afin qu’il vous explique la réalité des faits.

Je suis d’ailleurs à votre disposition pour échanger avec vous car je pense que la biologie médicale mérite un autre jugement que celui qui consiste tout simplement à nous reprocher d’exercer notre métier pour les patients.

Vous souhaitant bonne réception de ce courrier et dans l’attente de vous rencontrer, recevez, cher Monsieur, mes salutations les plus médicales.

François Blanchecotte
Président du Syndicat des Biologistes

• Télécharger la lettre